La papeterie de
Renaison (Loire)
Pendant au moins trois siècles, plusieurs moulins à papiers
fonctionnèrent sur la rivière du Renaison. Depuis quand étaient-ils
installés ?
Certains auteurs comme le docteur Noelas faisaient remonter leur
création au 15° siècle. C'est à cette époque que Jacques Coeur, grand
argentier du Roi, fit
entreprendre des grands travaux hydrauliques sur le bassin du Renaison
pour l'aménagement du château de Boisy qu'il avait acquis. Son infortune
auprès du roi ne lui permit pas de terminer ces travaux, mais il est
possible, que d'une façon indirecte, ces travaux aient donné
quelques idées aux entrepreneurs de la région en les incitant à
faire construire des moulins à papier ou à faire transformer des
moulins à blé existants. D'ailleurs, cette idée ne devait pas être hors
du temps, puisque dans la liste des biens confisqués à ce même Jacques
Coeur, on remarque qu'il possédait un moulin à papier à la
Rochetaillée, sur la Sâone. Cette papeterie n'existait plus bien avant
le XVII° siècle.
On commence à trouver quelques informations sur les papetiers ayant
travaillé à Renaison à partir de la seconde moitié du 16° siècle. Dès
cette époque, il apparait que ces papetiers étaient presque tous
exclusivement originaires d'Ambert et de sa région. Et le fait qu'ils
aient eu des liens très profonds, non seulement avec les papetiers
d'Ambert, mais également avec ceux établis dans le Beaujolais pourrait
faire penser que le texte suivant de Monsieur Marius Audin pourrait
s'appliquer également aux papetiers de Renaison :
A l'époque où notre pays était livré aux guerres religieuses, en
1557 exactement, "à la suite de la prise d'Ambert par les hordes
de Merle et Chavagnac, dit Rostaing, cinquante parmi les petits
moulins à papier de l'Auvergne furent mis au pillage et
incendiés". Au nombre de ces papeteries se trouvaient celles des
Montgolfier de la Forie, résolument calvinistes et suspects pour
de telles opinions. Des deux frères, l'un Guillaume prétendit
résister à la tourmente et demeura stoïquement en Auvergne ; quant
à l'autre, Jacques, "cédant, dit-on, au désespoir, il se réfugia
dans les montagnes du Beaujolais" (Extrait
de
l’ouvrage de Marius Audin, Vieux moulins à papier du Beaujolais -
Grenoble 1936, page 19)
La
rivière du Renaison
Carte du Renaison avec
ses moulins à blé et papetiers
La qualité des
eaux
de la rivière Renaison fut déterminante pour l'établissement de
papeteries sur ses rives. En effet, l'eau de cette rivière a toujours
eu la réputation d'être la plus douce de France. Cela
sous-entend qu'elle est peu minéralisée et exempte de calcaire, ce qui
est de la plus haute importance pour les papetiers qui voulaient
produire un papier blanc, apte à l'écriture et à l'imprimerie.
D'ailleurs, voici ce qu'en disait en 1791 l'almanach de Roanne au
chapitre consacré à Renaison :
"La petite rivière qui arrose Renaison, et qui a quatre lieues
de cours, depuis ses sources jusqu'à son embouchure dans la
Loire, fournit l'eau à une quantité de Moulins à blé, tant pour
l'usage de Renaison que des Paroisses voisines.
Cette rivière fournit aussi à une manufacture de papiers, que l'on
peut faire très-beaux, parce que ses eaux sont claires comme le
cristal
Cependant, le Renaison était loin d'être une rivière
tranquille. Au cours du 18° siècle , les curés signalèrent parfois
dans des notes portées en fin des registres paroissiaux, des
débordements violents de la rivière qui endommagèrent les moulins qui
se trouvaient sur ses rives. Il a dû en être ainsi pour les
années 1733, 1756 et 1769.
Elle pouvait être même parfois très dangereuses. Des cas
de noyades sont rapportés dans les registres. Ansi, un jeune homme de
vingt cinq ans environ, scieur de long originaire de la région
d'Ambert, fut retrouvé noyé dans la rivière du Renaison et enterré le
23 juin 1697.
Parfois, en été, le cours de la rivière s'asséchait au
point de ne plus permettre aux roues des moulins de se mouvoir. Cela
ne devait pas encore être trop dramatique pour nos papetiers qui
devaient en profiter pour effectuer quelques grosses réparations aux
mécanismes et matériels qui avaient soufferts pendant des années.
Mais, ces périodes étaient des plus pénibles pour les meuniers qui
devaient alors moudre "à la corde" pour produire la farine nécessaire
à l'alimentation de la population. Il en fut ainsi en 1762, comme le
raconte le curé de Renaison, à la fin du registre paroissial de cette
année-là :
On a été à la veille d'éprouver une famine par la difficulté de
moudre les grains - la rivière de Renaison, qui fournit de l'eau
lorsque les autres manquent, a été pour ainsi dire à sec et on a
été obligé de moudre à la corde pendant près d'un mois"
"Et en août 1801, la municipalité fut dans l'obligation
d'interdire aux riverains de détourner l'eau de la rivière pour en
laisser suffisemment pour le fonctionnement des moulins à blé.
Le Renaison en amont de
la Grande Fabrique - La rivière mère et le béal
Les
propriétaires
Dès l'origine, les moulins à papier établis sur la
rivière de Renaison semblent avoir appartenu à de riches personnages -
gens de la noblesse locale, marchands enrichis par le commerce et hommes
de loi influents.
La construction, puis l'entretien de ces moulins
nécessitaient d'importants capitaux. De grosses réparations devaient
être faites régulièrement (environ tous les dix ans), car les bâtiments
et la machinerie souffraient beaucoup. Des vibrations continuelles,
créees par la chute des lourds maillets dans les piles écrasant la
chiffe, l'humidité règnant partout en étaient les causes.
Cela supposait donc des mises de fonds importantes.
Ces propriétaires, qui étaient-ils ? On va parfois les
rencontrer parmi les parrains et marraines figurant sur les actes de
baptême des enfants des papetiers travaillant à leurs moulins.
En effet, à cette époque, les gentilhommes campagnards,
nés et demeurant dans le pays avaient des relations avec les autres
habitants simples et plutôt familiaires, non dénuées de respect. Aussi,
ces riches personnages ne dédaignaient pas d'être témoins aux mariages,
et avec leurs femmes d'être parrains et marraines des enfants des
maitres et compagnons-papetiers.
Voici quelques propriétairest cités dans les registres de
Renaison :
- 1615 Noble Pierre Bouchand, fils de Jean conseiller du
Roy et maître des eaux et forêts à Montolivet. Une de ses filles Nicole
Bouchand épousa Jean Tissier seigneur du Soleillant et de la Brosse
(Prajoux page 88)
- 1625 Louis Valence juge de Roanne, sa femme Catherine
Dumas est marraine d’Antoine fils de Jehan Vimal et de Benoite Souchon
né le 13 octobre 1625.
- 1627 Jacques Michon fils de Jehan Michon archer du
corps du Roy. Ce Jacques était marié à Marguerite Perrin de Monloup
(Prajoux page 75) et mentionné comme parrain dans l’acte de baptême du
10 janvier 1627 de Jacques Vimal.
En outre, on rencontre aussi d'autres personnages dont on
peut supposer qu'ils possèderent un moulin auquel il donnèrent leur nom
et figurant sur la carte de Cassini : le moulin Joard.
- 1656
Noble Guy Joard, conseiller du Roy, eslu en cette election de Roanne
(27 avril 1656)
- 1661 Noble François René Joard, avocat en parlement,
docteur en droit (22 avril 1661)
Bibliographie
:
- - Blanc, Violette.- Le Renaison, mère rivière. Les
cahiers de Fabrique.
- - Canard, Jean.- 500 moulins entre Bresbre et Loire
- - Garnier, R. & Boiron. R.- Les moulins du
roannais, tome III - Rive gauche. 1988 -
Rocher, Jean-Luc.
- - Renaison ........... au fil de l'eau - Thoba's
Editions - 2005
- - Remontet, Jean-Baptiste - Le
Renaison, causerie du 6 avril 1993 - Imprimerie Ofprim, Ambierle
Sources :
- Archives municipales de Renaison.
- Archives départementales de la Loire,
Saint-Etienne - registres numérisés
- Médiathèque de Roanne.
Almanach astronomique de Lyon - 1787 : Renaison.
Bourg, paroisse & châttenie de Forez, archiprêtré & élection de
Roanne, justice du lieu & de Roanne, du ressort du baillage de
Montbrison. Le prieur d'Ambierle nomme à la cure. Curé M. Chatre.
Vicaire, M. Bruyere. Coseigneurs, M. le duc d'Harcourt, & M. Goyet
de Livron. Les officiers de M. le duc d'Harcourt sont les mêmes que ceux
de Roanne, & ceux de M. Goyet de Livron, les mêmes qu'à Taron.
Notaires royaux, Mrs Ramey & Caquet. Il y a une papeterie
Armoiries
d'Anne d'Autriche figurant sur un acte notarié de Renaison, daté de 1641
(Médiathèque
de Roanne - Noelas 19 -13-4). Voir Raymond Gaudriault -
Filigranes - planche 12