Louis
Blettery et Blanche Avignon - retour à Paris ( 4)
On le retrouve
en septembre 1908 à Saint-Maur, dans la banlieue parisienne lors de
la naissance du quatrième enfant qui fut prénommé Jean.
A partir de ce moment, il changea plusieurs fois de situation déménagea
de nombreuses fois. Il avait eu l’occasion de prendre un magasin de photographie
dans le quartier du Panthéon, mais trouvant le quartier désert
il préfera un quartier de Paris plus animé : il s’installa
avenue Parmentier. Ce choix, dicté par les seules apparences s’avéra
mauvais : les habitants du quartier étaient principalement des ouvriers
sans moyens pour acheter un matériel photographique coûteux.
Il tint une épicerie rue d’Hautpoul, derrière les Buttes
Chaumont avec le même insuccès.
Papa, qui ne devait pas être très vieux à cette époque,
se souvenait avoir vu dans le quartier une manifestation contre la durée
à 7 ans du service militaire.
C’est à ce moment, vers 1909, que Blanche quitta Louis Félix
en emmenant Jean, le plus petit des enfants. Elle ne devait plus revoir ses
autres enfants et ce fut un drame pour eux car autant elle était une
bonne mère, autant leur père était dur et orgueilleux.
Elle retourna à Boen, auprès de sa mère. Le 13 avril
1915, à l’âge de 7 ans, Jean mourut accidentellement : on
raconte qu’il eut l’artère fémorale coupée
par les bris d’une bouteille qu’il aurait mise dans sa poche et
qui se serait cassée lors d’une chute.
A la suite du départ de Blanche Grand-père décida de
mettre son fils aîné en apprentissage comme cuisinier. Louis
commença donc sa vie de travail dans ce dur métier en Normandie,
d’abord dans un petit restaurant situé à Moisson, petit
village situé dans une boucle de la Seine, puis à Mantes la
Jolie à l’hotel du Grand Cerf et du Cheval blanc réunis,
dont le propriétaire était Monsieur Mallet.
Pendant ce temps Grand-père, suivi des ces deux autres enfants, vint
se loger en 1912 au 49, rue Belgrand, au 6° étage d’un immeuble
situé en face du square Séverine, construit peu de temps avant
(en 1911) par l’architecte Lejeune.
Mais le loyer étant trop élévé, il déménagea
l’année suivante pour s’installer au 106 rue de Ménilmontant,
toujours au sixième étage d’un immeuble qui avait été
construit en 1909 par deux architectes du nom de P. Monlanet et E. Randanne.
Situé au coin de la rue du Retrait et de la rue de Ménilmontant,
c’était un bel immeuble pour l’époque mais Il n’y
avait pas d’ascenseur ni l’électricité mais le gaz
à tous les étages. L’éclairage se faisait par des
becs disposés dans les différentes pièces et peut-être
aussi dans la cage d’escalier.
Une chambre et la cuisine donnaient sur une petite cour au milieu de laquelle
était planté un lilas qui fleurait bon au printemps. Dans le
fond, une grande cheminée d’usine barrait de sa silhouette verticale
le paysage finissant par les grands arbres du cimetière du Père-Lachaise.
Plus près, quelques maisons bordant la rue du Retrait, dont l’une
avait vu naître, dit-on, Maurice Chevalier.
Sur le devant de la maison se trouvaient une grande chambre et la salle à
manger. De là, on avait une vue dégagée, le petit terrain
en face de la maison n’étant occupé que par une construction
légère, car la Dhuys, petite rivière bien corcetée
par l’homme passait par là et empêchait quand même
les grandes constructions. Au loin, sur la gauche on pouvait voir la tour
Eiffel, en face le Sacrée Coeur et sur la droite, un grand bâtiment
bordé d’un beau jardin planté d’arbres. C’était
un orphelinat dirigé par des soeurs de Saint-Vincent de Paul. Lorsque
toute la famille s’installa, il y avait encore, juste en face, un grand
immeuble qui faisait saillie, rétrecissant à cet endroit la
rue de Ménilmontant. Il fut détruit pendant la guerre de 14-18.
C’est dans une ambiance un peu cahotique que Charles et Paul passèrent
leur enfance. Paul, mon père racontait que lorsque toute la famille
habitait rue Belgrand, il faisait souvent l’école buissonnière
: il cachait son cartable aux abords de la rue du Capitaine Ferber et allait
se promener dans ce qui était encore la campagne. Rue de Ménilmontant,
les deux enfants laissés sans surveillance, s’amusèrent
un jour à mettre des balles revolver sur la cuisinière, cassant
les vitres, mais ne blessant heureusement aucun des garnements.
En 1913 Louis, le fils aîné trouva du travail dans l’un
des plus grands hotels de Madrid, en Espagne, le Palace Hotel.
L’oncle Louis aimait beaucoup Jeanne Bauer, née Blettery. Elle
était cousine de Grand-père et filleule de Jeanne Blettery,
soeur de Grand-père. Cette cousine était sa confidente, alors
qu’il s’entendait mal avec son père. Quand il disparut dans
la tourmente, Grand-père supplia Jeanne de dire qu’elle avait
des nouvelles de lui, pensant qu’il lui écrirait s’il pouvait
le faire, mais elle non plus n’avait rien reçu.
Pendant ce temps, Grand-père craignant une invasion allemande, partit
avec ces deux enfants, dans la famille de l’oncle Massabiaux, à
Alès dans le Gard. Ils prirent le train et mirent deux jours pour descendre.
Ils passèrent par la vallée du Rhône et Papa se souvenait
avoir vu entre autre, le château de Mornas.
Pour le petit enfant qu’était Papa à cette époque
se fut un séjour enchanteur. Il se souvenait avoir participé
à une grande promenade dans la montagne : ils auraient vu un grand
aigle et de nombreux autres animaux. Son père avait trainé tout
le long du chemin un gros gourdin pour se défendre en cas de besoin.
A la fin, fatigué, il aurait jeté son arme improvisée.
A peine avait-il fait cela qu’une harde de sangliers passait devant les
promeneurs. Voyant cela il aurait repris son arme, mais cette fois ci, en
vain.
Puis le danger d’une invasion allemande s’éloignant de la
Capitale, toute la famille revint rue de Ménilmontant.
En 1918, les allemands utilisant des canons de grande portée (grosse
Bertha) bombardèrent Paris. Ils tiraient des obus à partir de
Crépy-en-Laonnois puis Beaumont-en-Beine et atteignirent l’église
Saint Gervais tuant 91 personnes. Le vingtième fut également
touché et plusieurs personnes dont un camarade de classe de Papa furent
tués près des bains-douche de la rue des Pyrénées.
Voyant cela, Grand-Père préfera mettre à l’abri
le plus jeune de ses fils et l’envoya en pension de juin à septembre
1918 à la campagne chez de braves paysans, Monsieur et Madame Voix
à Menetreux le Pitoix près des Laumes (Côte d’Or).
Papa y vit passer des troupes américaines, fraichement débarquées,
qui partaient pour le front.
Après l’école communale, Charles alla à l’école
Arago, tandis que Paul fut mis en apprentissage chez un ciseleur, Puiforcat
et Taboulet au 14, rue Chapon dans le 3° arrondissement. Les deux enfants
commençaient ainsi leur vie professionnelle.
Le 16 février 1933, Blanche Avignon décédait dans le
plus grand dénuement à l’hôpital de Boen, d’une
tumeur cancéreuse. Les quinze dernières années de sa
vie durent être très difficile. Après avoir été
séparée de deux de ses enfants, elle vit mourir sa mère
en 1913 puis son dernier fils en 1915 à Boen. On dit que son mari la
faisait surveiller par quelque personnage officiel de la région. Elle
gagnait très petitement sa vie en allant de ferme en ferme, proposant
une pacotille de fils, aiguilles, savons et vendait quelques menus objets
dans les rues de Boen tel que : cartes postales, crayons, etc.... Elle se
cassa la jambe à la fin de sa vie et, devant s’appuyer sur une
canne, elle eut bien du mal à survivre.
Malgré tous ces malheurs, il semble qu’elle n’en ait pas
gardé rancune à son mari : elle disait à qui voulait
l’entendre, avec une pointe de fierté, qu’elle avait été
mariée avec “un Monsieur de Paris”.
Il se pourrait que Grand-père soit passé à Boen quelques
temps après le décès de son épouse. En effet,
il était sur les routes entre Paris et Nice dans le courant du mois
de juin de 1933 : la carte postale qu’il adressait à ses enfants
signalait qu’il s’arrêtait près de Saint-Egrève,
dans l’Isère et qu’il reprenait le voyage par le car, le
lendemain 17 juin.
En juin 1940, pendant la drôle de guerre, la soeur de Grand-Père
partit chez Madame Alice Barral à Aubois, dans le Gard. Jeanne Massabieaux
y resta certainement peu de temps car elle décéda à son
domicile de Nice en mai 1941.
En janvier 1943, Grand-père appris par son avocat, M° Jacques Fourcade,
5, rue Gallean à Nice qu’il venait de gagner son procès
en cour d’Aix.