Louis Blettery et Blanche Avignon (3)


A UZÈS (Gard)

En 1904, Louis Blettery s’installa avec toute sa famille à Uzès, dans la propriété que son père avait acheté dix ans auparavant.

Cette propriété était située dans la plaine s’étendant au pied de la ville d’Uzès et se composait d’une grande maison, d’un parc peuplé de beaux arbres donnant une ombre bienvenue dans ce pays chaud et sur l’arrière, des bâtiments qui avaient dû servir dans des temps plus anciens à l’industrie de la soie

La maison, qui existe encore de nos jours, présente une élégante façade surmontée d’un pignon en forme de fronton perçé d’un bel oeil-de boeuf dont l’arrondi est souligné par une décoration de feuilles de lauriers. Les grandes fenêtres à la française du premier étage sont réhaussées de motifs géométriques de formes triangulaires. La porte d’entrée est composée de deux colonnes surmontées d’un tableau formant chapiteau et d’une voûte en plein cintre. Le sol du rez de chaussée est pavé de grands carreaux noirs et blancs.

C’est dans cette maison, dénommée à l’époque “Mas Lapierre” du nom de l’ancien propriétaire négociant à Marseille, que naquit mon père, Paul Blettery, le premier mai 1905. L’un des témoins fut Emile Balmassière, cordier de son état. En se liant d’amitié avec cet homme, Grand-père se souvenait-il que ces ancêtres du côté de sa mère avaient exercés le métier de cordier à Saint-Chamond et à Beaurepaire ?

Grand-père y vecut donc plus de quatre ans, mais il ne se plut jamais vraiment dans cette petite sous préfecture du Gard. (Elle perdit d’ailleurs ce statut en 1926). Il y faisait très chaud en été, la vie devait y être bien monotone et il dut s’ennuyer terriblement.

Il y eut bien sûr des petits incidents qui marquent une vie tranquille et il en racontait quelques uns.

Grand-père avait acheté une jument du nom de” zélée” à un boulanger d’Uzès, ivrogne bien connu. La bête battue à longueur d’année, était devenue ingouvernable. Bien traitée par son nouveau propriétaire, elle redevint docile excepté lorsqu'on la faisait passer devant la maison de son ex-tortionnaire.

Il l’avait attelé à une belle petite carriole anglaise à quatre roues, un grand siège recouvert de cuir pour le conducteur à l’avant et à l’arrière deux bancs avec dossier se faisant face sur les deux côtés. Le tout était recouvert d’un dais bordé de franges. Toute la petite famille dut ainsi faire de belles promenades dans la campagne et dans Uzès même qui se trouve à quelques distances de la propriété.
caleche à Uzès
Grand-père, un soir qu’il était en ville, rencontra une de ces connaissances, fonctionnaire venu du nord de la France. Visiblement, ce digne monsieur n’avait pas supporté l’abus qu’il avait fait du vin du terroir et tout émeché, il injuriait le tout Uzès, sans oublier les plus belles personnalités de la ville.

Grand-père se crût obligé de raccompagner l’ivrogne chez lui. Arrivé à la maison du poivrot, il fut très mal accueilli par la maitresse de maison qui pensa en les voyant ainsi qu’il avait été la cause de l’ébriété de son mari.


Photographies prises à Uzès entre 1905 et 1906

Il continua à faire de la photographie et prit durant cette période, plusieurs vues de la campagne environnante et quelques scènes de la vie quotidienne telles que la noce Pellecuer en février 1905, les labours des vignes et des champs en février 1906, le travail du cordier Balmassière, en avril 1906.

A la mort de son père survenue en juin 1907, se sentant délié des engagements qu’il avait peut-être pris, il s’empressa de vendre la propriété d’Uzès. La tradition rapporte que le prix de vente obtenu avait été très inférieur au prix d’achat initial. La crise viticole dans le midi et le fait qu’une partie de la propriété avait été coupée par la voie de chemin de fer aurait expliqué cette perte.

Après la vente de la maison d’Uzès, il s’établit quelques temps dans la région de Boen où la mère de Blanche s’était retirée. Il pensa même acheter un château mais il fut arrêté par les travaux à entreprendre pour la rendre habitable.


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