Félix Fulgence
Blettery est né le 10 mars 1838 à Saint-Vincent
de Rheins. Son père, Paul était selon les termes
de la traditions familiale, un”pauvre sabotier” et
sa mère, Benoîte Plassard était, au
moment de son mariage, domestique au bourg de Saint-Vincent.
Il eut donc une enfance bien pauvre mais il alla malgré cela
à l’école primaire de Saint-Vincent,
les frais de scolarité étant pris en charge par
la commune.
Cette école existait depuis au moins 1823 et
était dirigée par trois frères
maristes. Il y avait aussi une institutrice, Madame Foray qui avait
été nommée en 1845.
C’est à Saint Vincent qu’avait
été inventé puis diffusé
entre 1825 et 1830 un métier à tisser
appelé “Jeannette”. Il en
résulta une forte mécanisation et de nombreux
ateliers s’implantèrent le long du Reins pour
profiter de la force motrice de cette rivière.
La prospèrité qui s’ était
installée et qui avait attiré dans la
région son père, ses oncles et tantes et qui
avait permis au bourg de se développer au point
d’avoir 2771 habitants en 1836, disparut avec la faillite de
Masson aîné en 1848.
La filature de Gouttenoire fut mise en vente judiciaire et resta
plusieurs années sans acquéreurs. De nombreuses
familles furent ainsi privées d’emploi et le
nombre d’habitants diminua et atteignit le chiffre de 2060 en
1851.
Vers 1852, à l’âge de 13/14 ans,
Félix Fulgence Blettery quitta cette région
touchée par la crise économique et alla chercher
du travail à Saint-Etienne.
Cette petite ville du Forez qui comptait sous l’ancien
régime 15.000 habitants passa les 50.000 vers 1850. Autour
du bassin qui assurait en 1836 près de la moitié
de la production française de charbon
s’était développée une
activité industrielle remarquable par la
variété de ses productions
métallurgiques et textiles. Cette ville qui avait eu comme
rivales Roanne, Montbrison et Feurs obtint la récompense de
son talent : elle devint chef-lieu de département en 1856.
Le jeune Félix Fulgence arriva donc dans cette ville en
pleine expansion et trouva un travail comme commis dans une fabrique de
ruban dans le centre de la ville, pas très loin de la place
Marengo.
En 1858, à l’âge de 20 ans il tire un
numéro qui l’oblige théoriquement
à faire son service militaire. Sur la liste de tirage, on le
dit résidant à Saint-Etienne, cultivateur,
mesurant 1 m 68, niveau d’instruction : 1-2. Par
décision n° 164 du 7 juin 1859, il sera
exonéré.
C’est à Saint-Etienne qu’il rencontra
Charlotte Chenevier plus âgée que lui de 6 ans.
Elle était née rue Tarentaize à
Saint-Etienne le 24 septembre 1831, fille de Claude Chenevier, forgeur
et de Jeanne Boyer, dévideuse de soie.
Elle alla quelques temps à l’école
puisqu’elle savait lire et écrire, mais elle
dût commencer très tôt à
travailler dans une fabrique de rubans. Très habile
ouvrière, elle était la seule à
l’époque à pouvoir diriger deux
métiers dans son atelier.
Charlotte
Chenevier
Ils se
marièrent le 21 janvier 1861 à la mairie de
Saint-Etienne et Honoré Allier qui resta toujours
l’ami de la famille fut l’un des témoins
du marié. Il était son aîné
de quelques années, né en octobre 1832
à Yssengeaux dans la Haute-Loire et dans le recensement de
1875 il est dit habiter à Chabeassière (Neyron)
et pratiquer le métier d’apprèteur en
soies.
Le couple s’intalla rue de Lodi dans un premier temps, puis
rue de la Nouvelle-Boucherie et enfin dans un nouvel immeuble qui
s’était construit au n° 7 de la Place
Marengo.
Ils fondèrent une maison de rubans.
C’était l’expansion industrielle du
second Empire. Charlotte dirigeait l’affaire qui avait un
assez nombreux personnel, tandis que Félix sillonnait la
région comme représentant.
Il utilisait une jolie carriole tirée par un fier cheval et
rendait visite aux merceries de la région.
Ils faisaient aussi du commerce avec l’Angleterre et furent
les premiers à fabriquer en France du ruban
caoutchouté.
Ils eurent plusieurs enfants, dont deux seulement atteignirent
l’âge adulte :
Jeanne Pauline, née le 11 août 1861 (la tante
Jeanne) et Louis Félix né le 20 avril 1867
(Grand-père)
Deux petites filles naquirent, l’une
Benoîte-Josephine le 3 avril 1863 et l’autre
Hélène-Eugénie, le 16 septembre 1865,
morte le 3 octobre 1865 à Saint-Vincent. Si l’on
en croit la tradition, il doit s’agir de ce petit enfant qui
serait mort étouffé dans des couvertures, lors
d’un transport avec une nourrice.
Le 6 janvier 1871, naquit Jean
Paul Charles. C’était un enfant superbe qui
disait-on, pesait 6 kgs à la naissance. C’est le
“petit Paul” du tableau qui se trouve chez
Christiane. Il ne vécut que quelques années et
mourut, au grand désespoir de ses parents en novembre 1873
à Saint-Etienne de la maladie de croup ou
diphtérie. Sa mère eut beaucoup de mal
à supporter cette mort. Est-ce pour cela qu’elle
gâta son autre fils, Louis de façon si outrageuse,
et tout au long de sa vie ?
Charlotte Chenevier avait une très jolie voix et aimait
chanter. Elle savait les chansons de Béranger et
c’est d’elle que Grand-père, puis son
fils Charles, puis Christiane tenaient “la lisette de
Béranger” et le célèbre
“Vieux Sergent”.
Elle chantait aussi à ses enfants :
“Petit enfant, déjà la brume
“Autour de la maison s’étend
“On doit dormir quand vient la lune
“Petit enfant”
Christiane se souvient l’avoir entendu de son père
quand elle avait 3 ans et bien sûr elle chanta à
ses enfants et petits-enfants cette douce berceuse. Moi-même
je l’ai maintes fois entendu de mon père, sans en
connaître l’origine pendant très
longtemps.
Leur fille aïnée, Jeanne, fit des études
chez les religieuses de la communauté de Saint-Charles
à Saint-Etienne, le pensionnat le plus chic de la ville et
reçut une éducation soignée (dessin,
musique, maintien, anglais)
Le 10 juillet 1865, à 4 heures du soir, Saint-Etienne fut le
théâtre d’un véritable
cataclysme. Pendant douze minutes, la tempête, le tonnerre,
les éclairs firent rage ; un ouragan de grêlons,
dont quelques uns pesaient plus de cent grammes s’abattit sur
la ville détruisit les arbres, les plantations, cassa les
vitres et même les fenêtres, brisa les tuiles, et
blessa plusieurs personnes. Une pluie violente lui succéda.
Les eaux du Merdary et du Furet se jetèrent dans la
principale rue de la ville et la transformèrent en torrent.
Les dégâts furent énormes et il fallut
plusieurs jours pour rétablir les lignes ferrées
qui avaient été obstruées par des
amoncellements de gravier. (Histoire générale de
Saint-Etienne, S. Bossakiewicz, page 170).
Le 10 juin 1869, une grève se déclara parmi les
ouvriers mineurs. La plupart des puits furent abandonnés et
des mineurs parcoururent les exploitations pour faire cesser le
travail. Ils réclamaient la réduction de la
journée de travail et l’augmentation des salaires.
Le 11 juin 1869, deux compagnies d’infanterie furent
envoyées à Saint-Etienne pour se tenir
à portée des puits de la Loire et pour surveiller
l’Hotel de Ville.
Le 16 juin, une compagnie qui ramenait à Saint-Etienne une
quarantaine de mineurs mis en état d’arrestation
fut assaillie par une grêle de pierres et quelques coups de
pistolet. La troupe, exaspérée fit feu sans en
avoir reçu l’ordre et tenta de se
précipiter à la baionnette sur la foule
composée de grévistes, de femmes et
d’enfants. Par bonheur, le capitaine Gausserand qui
commandait le détachement garda son sang froid et ordonna le
cessez le feu. Cette collision entre les grévistes et la
troupe causa 11 morts. L’élèvement eut
une répercussion dans la France entière et causa
un vif malaise dans Saint-Etienne. L’année
suivante, au plébiscite, Saint-Etienne fut la ville de
France qui donna la plus grande majorité de
“non”.
Ce plébiscite eut lieu le 8 mai 1870 et donna plus de
7.000.000 de “oui” contre près de
1.500.000 de “non” et quelques 2.000.000
d’abstentions et de bulletins nuls
En juillet 1870, la guerre éclata entre la Prusse et la
France. Cette nouvelle ne fit pas grande sensation à
Saint-Etienne : on était habitué : Guerre de
Crimée, guerre contre l’Autriche, guerre du
Mexique. Les souvenirs de l’Invasion étaient
lointains !
Sedan tomba en août et le 4 septembre 1870, le bruit se
répandit en ville que la République avait
été proclamée à Lyon. A la
confirmation de cette nouvelle, un certain nombre de membres du Conseil
municipal se réunirent dans les bureaux du journal
l’Eclaireur où ils rédigent une
proclamation instituant la République dans la commune de
Saint-Etienne.
Le 7 septembre, M. Tiblier-Verne, nommé maire provisoire,
convoqua tous les citoyens, de 21 à 60 ans, aptes
à porter les armes, afin d’organiser la garde
nationale. Celle-ci fut formée en cinquante cinq compagnies,
qui procédèrent, le 11 septembre, à
l’élection de leurs officiers.
Dans le
journal de la Loire du 16 septembre il est
précisé que “les citoyens gardes
nationaux doivent s’habiller et
s’équiper à leurs frais et ils
considèreront comme un devoir patriotique de le faire
immédiatement”
Dans ce même journal, daté du 26 septembre on peut
lire :
GARDE NATIONALE SEDENTAIRE, 11° SECTION,
2° COMPAGNIE.
“Tous les citoyens
âgés de 25 à 35 ans, mariés
ou non, habitant dans le périmètre
ci-après désigné sont
invités à se présenter dans la grande
salle du palais de justice, aujourd’hui lundi 26 courant de
dix heures à midi et et de 2 heures à 4 heures,
pour se faire inscrire conformément à
l’arrêté préfectoral du 24
septembre : Capitaine Poupon : limite de la demi- section : Les
numéros impairs de la place Marengo, à partir du
numéro 7, angle de la rue d’Arcole
jusqu’au 19, angle de la rue de Roanne. etc.....”
Félix Fulgence dût donc revêtir
l’uniforme mais aucun ennemi ne se présentant dans
la région, les battues organisées dans la
campagne environnante se terminèrent en parties de chasse. A
défaut d’ennemis, les valeureux citoyens
rapportèrent du gibier dans leurs foyers.
De graves évènements se produisirent à
la suite de ceux qui se déroulaient à Paris :
dans l’après-midi du 25 mars 1871 une partie de la
Garde Nationale prit d’assaut l’Hotel de Ville de
Saint-Etienne aux cris de “Vive la Commune”. Le
baron de l’Espée, préfet de la Loire
fut tué. La commune fut proclamée mais ne dura
que quatre jours. Le 28 du même mois, des troupes venues de
Lyon par la gare de Chateaucreux rétablirent
l’autorité centrale.
Félix Fulgence qui était, comme on l’a
vu, Garde-Nationale, participa t-il à ces tragiques
évènements ? Cela est possible.
Il dut y avoir aussi de grands changements parmi les dirigeants de la
cité de Saint-Etienne et cette période ne fut
peut-être pas très favorable pour Félix
Fulgence.
Ayant fait fortune dans le commerce il pouvait donc se retirer des
affaires.
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