Histoire de Félix Fulgence Blettery et de Charlotte Chenevier 1831-1874


Félix Fulgence Blettery est né le 10 mars 1838 à Saint-Vincent de Rheins. Son père, Paul était selon les termes de la traditions familiale, un”pauvre sabotier” et sa mère, Benoîte Plassard était, au moment de son mariage, domestique au bourg de Saint-Vincent.

Il eut donc une enfance bien pauvre mais il alla malgré cela à l’école primaire de Saint-Vincent, les frais de scolarité étant pris en charge par la commune.

Cette école existait depuis au moins 1823 et était dirigée par trois frères maristes. Il y avait aussi une institutrice, Madame Foray qui avait été nommée en 1845.

C’est à Saint Vincent qu’avait été inventé puis diffusé entre 1825 et 1830 un métier à tisser appelé “Jeannette”. Il en résulta une forte mécanisation et de nombreux ateliers s’implantèrent le long du Reins pour profiter de la force motrice de cette rivière.

La prospèrité qui s’ était installée et qui avait attiré dans la région son père, ses oncles et tantes et qui avait permis au bourg de se développer au point d’avoir 2771 habitants en 1836, disparut avec la faillite de Masson aîné en 1848.

La filature de Gouttenoire fut mise en vente judiciaire et resta plusieurs années sans acquéreurs. De nombreuses familles furent ainsi privées d’emploi et le nombre d’habitants diminua et atteignit le chiffre de 2060 en 1851.

Vers 1852, à l’âge de 13/14 ans, Félix Fulgence Blettery quitta cette région touchée par la crise économique et alla chercher du travail à Saint-Etienne.

Cette petite ville du Forez qui comptait sous l’ancien régime 15.000 habitants passa les 50.000 vers 1850. Autour du bassin qui assurait en 1836 près de la moitié de la production française de charbon s’était développée une activité industrielle remarquable par la variété de ses productions métallurgiques et textiles. Cette ville qui avait eu comme rivales Roanne, Montbrison et Feurs obtint la récompense de son talent : elle devint chef-lieu de département en 1856.

Le jeune Félix Fulgence arriva donc dans cette ville en pleine expansion et trouva un travail comme commis dans une fabrique de ruban dans le centre de la ville, pas très loin de la place Marengo.

En 1858, à l’âge de 20 ans il tire un numéro qui l’oblige théoriquement à faire son service militaire. Sur la liste de tirage, on le dit résidant à Saint-Etienne, cultivateur, mesurant 1 m 68, niveau d’instruction : 1-2. Par décision n° 164 du 7 juin 1859, il sera exonéré.

C’est à Saint-Etienne qu’il rencontra Charlotte Chenevier plus âgée que lui de 6 ans.

Elle était née rue Tarentaize à Saint-Etienne le 24 septembre 1831, fille de Claude Chenevier, forgeur et de Jeanne Boyer, dévideuse de soie.

Elle alla quelques temps à l’école puisqu’elle savait lire et écrire, mais elle dût commencer très tôt à travailler dans une fabrique de rubans. Très habile ouvrière, elle était la seule à l’époque à pouvoir diriger deux métiers dans son atelier.

Charlotte Chenevier
Charlotte Chenevier

Ils se marièrent le 21 janvier 1861 à la mairie de Saint-Etienne et Honoré Allier qui resta toujours l’ami de la famille fut l’un des témoins du marié. Il était son aîné de quelques années, né en octobre 1832 à Yssengeaux dans la Haute-Loire et dans le recensement de 1875 il est dit habiter à Chabeassière (Neyron) et pratiquer le métier d’apprèteur en soies.

Le couple s’intalla rue de Lodi dans un premier temps, puis rue de la Nouvelle-Boucherie et enfin dans un nouvel immeuble qui s’était construit au n° 7 de la Place Marengo.

Ils fondèrent une maison de rubans. C’était l’expansion industrielle du second Empire. Charlotte dirigeait l’affaire qui avait un assez nombreux personnel, tandis que Félix sillonnait la région comme représentant.

Il utilisait une jolie carriole tirée par un fier cheval et rendait visite aux merceries de la région.

Ils faisaient aussi du commerce avec l’Angleterre et furent les premiers à fabriquer en France du ruban caoutchouté.

Ils eurent plusieurs enfants, dont deux seulement atteignirent l’âge adulte :

Jeanne Pauline, née le 11 août 1861 (la tante Jeanne) et Louis Félix né le 20 avril 1867 (Grand-père)

Deux petites filles naquirent, l’une Benoîte-Josephine le 3 avril 1863 et l’autre Hélène-Eugénie, le 16 septembre 1865, morte le 3 octobre 1865 à Saint-Vincent. Si l’on en croit la tradition, il doit s’agir de ce petit enfant qui serait mort étouffé dans des couvertures, lors d’un transport avec une nourrice.

Le 6 janvier 1871, naquit Jean Paul Charles. C’était un enfant superbe qui disait-on, pesait 6 kgs à la naissance. C’est le “petit Paul” du tableau qui se trouve chez Christiane. Il ne vécut que quelques années et mourut, au grand désespoir de ses parents en novembre 1873 à Saint-Etienne de la maladie de croup ou diphtérie. Sa mère eut beaucoup de mal à supporter cette mort. Est-ce pour cela qu’elle gâta son autre fils, Louis de façon si outrageuse, et tout au long de sa vie ?
Petit Paul

Charlotte Chenevier avait une très jolie voix et aimait chanter. Elle savait les chansons de Béranger et c’est d’elle que Grand-père, puis son fils Charles, puis Christiane tenaient “la lisette de Béranger” et le célèbre “Vieux Sergent”.

Elle chantait aussi à ses enfants :

“Petit enfant, déjà la brume

“Autour de la maison s’étend
“On doit dormir quand vient la lune
“Petit enfant”

Christiane se souvient l’avoir entendu de son père quand elle avait 3 ans et bien sûr elle chanta à ses enfants et petits-enfants cette douce berceuse. Moi-même je l’ai maintes fois entendu de mon père, sans en connaître l’origine pendant très longtemps.

Leur fille aïnée, Jeanne, fit des études chez les religieuses de la communauté de Saint-Charles à Saint-Etienne, le pensionnat le plus chic de la ville et reçut une éducation soignée (dessin, musique, maintien, anglais)

Le 10 juillet 1865, à 4 heures du soir, Saint-Etienne fut le théâtre d’un véritable cataclysme. Pendant douze minutes, la tempête, le tonnerre, les éclairs firent rage ; un ouragan de grêlons, dont quelques uns pesaient plus de cent grammes s’abattit sur la ville détruisit les arbres, les plantations, cassa les vitres et même les fenêtres, brisa les tuiles, et blessa plusieurs personnes. Une pluie violente lui succéda. Les eaux du Merdary et du Furet se jetèrent dans la principale rue de la ville et la transformèrent en torrent.

Les dégâts furent énormes et il fallut plusieurs jours pour rétablir les lignes ferrées qui avaient été obstruées par des amoncellements de gravier. (Histoire générale de Saint-Etienne, S. Bossakiewicz, page 170).

Le 10 juin 1869, une grève se déclara parmi les ouvriers mineurs. La plupart des puits furent abandonnés et des mineurs parcoururent les exploitations pour faire cesser le travail. Ils réclamaient la réduction de la journée de travail et l’augmentation des salaires.

Le 11 juin 1869, deux compagnies d’infanterie furent envoyées à Saint-Etienne pour se tenir à portée des puits de la Loire et pour surveiller l’Hotel de Ville.

Le 16 juin, une compagnie qui ramenait à Saint-Etienne une quarantaine de mineurs mis en état d’arrestation fut assaillie par une grêle de pierres et quelques coups de pistolet. La troupe, exaspérée fit feu sans en avoir reçu l’ordre et tenta de se précipiter à la baionnette sur la foule composée de grévistes, de femmes et d’enfants. Par bonheur, le capitaine Gausserand qui commandait le détachement garda son sang froid et ordonna le cessez le feu. Cette collision entre les grévistes et la troupe causa 11 morts. L’élèvement eut une répercussion dans la France entière et causa un vif malaise dans Saint-Etienne. L’année suivante, au plébiscite, Saint-Etienne fut la ville de France qui donna la plus grande majorité de “non”.

Ce plébiscite eut lieu le 8 mai 1870 et donna plus de 7.000.000 de “oui” contre près de 1.500.000 de “non” et quelques 2.000.000 d’abstentions et de bulletins nuls

En juillet 1870, la guerre éclata entre la Prusse et la France. Cette nouvelle ne fit pas grande sensation à Saint-Etienne : on était habitué : Guerre de Crimée, guerre contre l’Autriche, guerre du Mexique. Les souvenirs de l’Invasion étaient lointains !

Sedan tomba en août et le 4 septembre 1870, le bruit se répandit en ville que la République avait été proclamée à Lyon. A la confirmation de cette nouvelle, un certain nombre de membres du Conseil municipal se réunirent dans les bureaux du journal l’Eclaireur où ils rédigent une proclamation instituant la République dans la commune de Saint-Etienne.

Le 7 septembre, M. Tiblier-Verne, nommé maire provisoire, convoqua tous les citoyens, de 21 à 60 ans, aptes à porter les armes, afin d’organiser la garde nationale. Celle-ci fut formée en cinquante cinq compagnies, qui procédèrent, le 11 septembre, à l’élection de leurs officiers.


mairie de Saint-Etienne en 1870

Dans le journal de la Loire du 16 septembre il est précisé que “les citoyens gardes nationaux doivent s’habiller et s’équiper à leurs frais et ils considèreront comme un devoir patriotique de le faire immédiatement”

Dans ce même journal, daté du 26 septembre on peut lire :

GARDE NATIONALE SEDENTAIRE, 11° SECTION, 2° COMPAGNIE.


“Tous les citoyens âgés de 25 à 35 ans, mariés ou non, habitant dans le périmètre ci-après désigné sont invités à se présenter dans la grande salle du palais de justice, aujourd’hui lundi 26 courant de dix heures à midi et et de 2 heures à 4 heures, pour se faire inscrire conformément à l’arrêté préfectoral du 24 septembre : Capitaine Poupon : limite de la demi- section : Les numéros impairs de la place Marengo, à partir du numéro 7, angle de la rue d’Arcole jusqu’au 19, angle de la rue de Roanne. etc.....”

Félix Fulgence dût donc revêtir l’uniforme mais aucun ennemi ne se présentant dans la région, les battues organisées dans la campagne environnante se terminèrent en parties de chasse. A défaut d’ennemis, les valeureux citoyens rapportèrent du gibier dans leurs foyers.

De graves évènements se produisirent à la suite de ceux qui se déroulaient à Paris : dans l’après-midi du 25 mars 1871 une partie de la Garde Nationale prit d’assaut l’Hotel de Ville de Saint-Etienne aux cris de “Vive la Commune”. Le baron de l’Espée, préfet de la Loire fut tué. La commune fut proclamée mais ne dura que quatre jours. Le 28 du même mois, des troupes venues de Lyon par la gare de Chateaucreux rétablirent l’autorité centrale.

Félix Fulgence qui était, comme on l’a vu, Garde-Nationale, participa t-il à ces tragiques évènements ? Cela est possible.

Il dut y avoir aussi de grands changements parmi les dirigeants de la cité de Saint-Etienne et cette période ne fut peut-être pas très favorable pour Félix Fulgence.

Ayant fait fortune dans le commerce il pouvait donc se retirer des affaires.


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